Abû Bakr (632-634)
Ralph Stehly,
Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch,
Strasbourg
Abû Bakr était l'un des beaux-pères de Mohammed (il était père de
Aïcha, épouse bien-aimée du
Prophète). Avec lui, ce sont les belles-familles
du Prophète qui prennent le pouvoir.
L'institution du
califat naissait donc tout d'un coup.
Aucune mention n' avait été faite ni
dans le Coran, ni dans la Sunna, relative à cette institution qui
demeurait vague dans ses fonctions, dans ses attributions et sans sa
formule d'élection et de nomination.
Il n'est pas étrange
par conséquent que son histoire soit une suite de discordes et de
guerres civiles. Selon une phrase de Shahrastânî, aucune institution
n'a coûté à l'islam plus de sang que le califat.
Il y avait environ 70.000 musulmans
à la mort du Prophète
L'apostasie (ridda)
Il ne faut pas s'imaginer qu'à la
mort de Mohammed l'Arabie était entièrement soumise et encore moins
islamisée. Seules l'étaient les tribus immédiatement voisines de La
Mecque et de Médine, et, à mesure qu'on s'éloignait du centre, on
rencontrait des tribus islamisées en partie, d'autres qui pour
éviter les pires calamités s'étaient résignées à payer le tribut, et
n'étaient musulmane que de nom, d'autres enfin étaient complètement
indépendante.
Presque toutes, à la mort du Prophète, s'empressèrent de recouvrer
leur liberté, d'autant plus que selon une vieille coutume, la mort
de l'homme mettait fin aux traités conclus avec lui.
Cette attitude fut la
cause des guerres de sécession.
De nombreuses tribus
refusèrent de pater la zakât. Certaines tribus suivirent même
d'autres chefs religieux qui se présentaient comme prophètes.
C'était le cas d'Al-Aswad au Yémen, de Musaylima dans la tribu de
Hanîfa dans la Yamâma, de Tulayha dans la tribu
d'Asad et de Ghatafân et de la prophétesse Sadjâh dans la
tribu des Tamîm.
Abû Bakr fit preuve,
dans l'ensemble, de beaucoup de clémence dans le traitement des
rebelles, et la plupart d'entre eux devinrent ses partisans zèlés.
Cependant la tribu des
Hanîfa fut massacrée par l'un de ses généraux, Khâlid ibn al-Walîd,
dont les sanglants exploits avaient déjà soulevé l'indignation du
Prophète. Un certain courant désapprouva la façon dont fut traitée
cette tribu, celui-là même qui avait déjà contesté la légitimité de
l'élection d'Abû Bakr. Ce courant prit le nom de chiisme, au moment
de la crise du califat autour de la personne d'Ali . Le chiisme vit
en Abû Bakr un usurpateur imposé par 'Omar.
Abû Bakr fut un homme
d'une grande simplicité de vie, qui renonça à toute richesse.
Il mourut le 23 août 634 et fut
enterré à côté de Mohammed
L'expansion de l'empire musulman
Sous Abû Bakr, l'empire
musulman connut une expansion foudroyante.
A sa mort, l'armée de Khâlid ibn
al-Walîd avait déjà pénétré profondément en Irak.
Fin juillet 634, les
forces musulmanes battaient l'armée byzantine entre Jérusalem et
Gaza. Puis c'est la prise de Jérusalem, où la population accueillit
l'armée musulmane en libératrice.
La raison principale de
cette avance foudroyante était la faiblesse des deux grands empires
de l'époque (l'empire byzantin et l'empire perse sassanide), qui
étaient à bout de souffle, minés par des dissensions religieuses et
des nationalismes politico-religieux.
Les araméens et les
coptes étaient monophysites et comme tels persécutés ou tracassés
par l'Eglise byzantine officielle (chalcédonienne), sans parler
d'autres comme les Nestoriens qui avaient été bannis de l'Empire
byzantin et avaient trouvé refuge chez les Sassanides. En Perse,
c'était la crise mazdakite au 5ème s., et l'opposition entre le
mazdéisme et le christianisme monophysite des Ghassanides et
nestorien des Lakhmides.
De plus, l'islam
n'était pas ressenti comme une religion constituée et donc comme peu
dangereuse. du fait de sa naissance récente, elle était inconnue des
clergés chrétiens, qui, de ce fait, n'avaient pas les armes
idéologiques nécessaires qu'ils possédaient contre les vieilles
hérésies. (cf.
St Jean
Damascène ).
L'islam était ressenti par beaucoup comme une religion non-cléricale,
libératrice, à cause de l'importance qu'il accordait à la
responsabilité de l'individu dans la maîtrise de son destin (par
d'intermédiaires ou d'intercesseurs entre Dieu et l'homme) et de la
simplicité de ses croyances face à la subtilité et la sophistication
de la théologie byzantine.
Sous Abû Bakr, les
peines de droit dites hûdûd n'étaient pas appliquées.
C'est aussi à Abû Bakr
que l'on doit la
première recension (semi-officielle) du Coran. |