QUEL
LIBAN VOULEZ-VOUS ?
Depuis le retrait de l’armée syrienne du Liban en
2005, le pays s’est noyé dans une situation d’instabilité
sécuritaire. Les crimes politiques commis, ainsi que les diverses
formes d’intimidation exercées contre le peuple libanais, avaient
considérablement anéanti la liberté d’expression. Parallèlement à
cette terreur physique, la terreur psychologique exercée d’autre
part limite la liberté d’opinion, après avoir provoqué chez le
citoyen libanais une autocensure de certaines idées politiques. Un
des meilleurs exemples illustrant ceci, serait la « simple »
question : Quel Liban voulez-vous ? Les Libanais sont-ils
réellement en mesure de répondre librement à cette question ? Il est
clair qu’il est quasi impossible de proposer un Liban fédéral, un
Liban à la politique étrangère neutre ou un Liban en paix avec
Israël, sans être automatiquement traité d’agent israélien et de
traitre. Les alibis avancés dans le but de justifier ces accusations
sont souvent des prétextes populistes tels que : « Il n’est pas
question de s’opposer aux accords de Taëf », « Tout ceci brise
l’unité nationale », « ces idées s’opposent à l’arabité
incontestable du Liban »… Paradoxalement, d’autres idées en
désaccord aussi avec les accords du Taëf tel que l’installation
d’une république islamique (Hezbollah) et l’intégration du Liban
dans un Etat avec la Palestine et la Syrie (PNS) sont réfutés par
les parties qui s’y opposent, sans néanmoins accueillir les mêmes
réactions de terreur. Il est donc évident qu’un climat de terreur
physique et psychique impose aux Libanais des limites à leur liberté
d’expression.
Cependant, toutes ces pressions
n’empêchent pas certains partis et certaines organisations
politiques au Liban de continuer à défendre activement leurs idées.
Nous pouvons alors prendre l’exemple des Gardiens des Cèdres (GOC)
d’une part, et du Parti Araméen Démocratique (PAD) d’autre part. Ces
2 partis n’ont pas les mêmes fondements mais partagent la volonté
commune d’émanciper leur liberté d’expression et d’action sur la
scène politique libanaise.
Les Gardiens des Cèdres sont accusés
d’être excessivement nationalistes et peu concernés par les causes
humanitaires. Durant l’occupation syrienne, ils étaient constamment
combattus en raison de leur opposition à l’ingérence syrienne au
Liban. M. Etienne Sakr, président du parti, est exilé depuis l’an
2000. Il considère que « l'occupation
syrienne se servait de la Jurisprudence Libanaise, afin de combattre
ses opposants. C'est pourquoi les tribunaux Libanais et
spécifiquement le Tribunal Militaire me condamna et à plusieurs
reprises, de 1994 à 1999, de collaboration avec Israël (accusations
traditionnelles du régime Baasiste Syrien) ». Il poursuit que « Le
plus étrange est que l'Occupation Syrienne pris fin mais
l'atmosphère politique resta la même et les sentences contre moi,
sont restées toujours en vigueur ». M. Joseph Toak, porte-parole
officiel des GOC témoigne comment lui aussi accompagné de quelques
responsables du parti avaient été basculés en prison par le
gouvernement libanais l’an dernier, après avoir publiquement
suggérer que : « le Liban doit se retirer de la ligue arabe qui lui
est complètement inutile. Le Liban n’est pas un pays arabe, le Liban
est libanais. Les Palestiniens doivent rendre leurs armes à l’Etat
libanais ». M. Toak explique qu’il n’existe pas de loi interdisant
l’expression d’une opinion mais plutôt des pressions politiques qui
supposent que ces propos sont une discrimination contre les
Palestiniens. Il considère aussi que : « Les refugiés Palestiniens
au Liban doivent être répartis dans les différents pays arabes en
fonction de leurs nombres d’habitants ». Ensuite, ce dernier précise
que le parti s’oppose radicalement à la constitution du Taëf et vote
en faveur d’un Etat laïque.
Quant au Parti Araméen démocratique,
il soutient l’installation d’un système fédéral au Liban. M. Toni
Nissi, président du PAD, explique qu’il existe 2 civilisations
majeures se partageant le territoire libanais : l’une aux origines
Araméennes et l’autre aux origines arabes. Ainsi, ces 2 peuples
auraient des modes de vie différents, ce qui fait que le système
fédéral garantirait à chacun non seulement sa survie au Liban mais
aussi sa participation dans la gouvernance du pays. M. Nissi
explique que « les chrétiens n’auraient plus alors à se soucier du
nombre de musulmans (chiites en particulier) qui va en crescendo et
qui pourraient alors leur imposer leur propre mode de vie ». Puis
répondant à la question si dans ce cas il parlait toujours d’une
communauté religieuse chrétienne ou d’une civilisation araméenne, M.
Nissi pose à son tour la question : « Voyons, combien de chrétiens
pratiquants pourrait-on aujourd’hui compter au Liban ? Il s’agit
surtout de choix culturels différents. Nous croyons et soutenons la
diversité culturelle au Liban. C’est pour cela qu’un Liban fédéral
protège le droit de chaque peuple de préserver sa culture et de
vivre selon son propre mode de vie. » C’est ceci précisément ce
qu’un système politique autre que fédéral, même laïque, ne pourrait
garantir aux Libanais.
Ainsi, malgré une certaine divergence quant au
système à adopter, les GOC et le PAD s’entendent sur le fait que
l’Etat du Taëf n’est pas en mesure de construire le Liban-message.
Se basant sur d’autres points communs
tels que l’insatisfaction du travail des politiciens au pouvoir, la
nécessité de monopoliser les armes entre les mains de L’Etat, la
persécution de leurs idées ; le PAD et les GOC se sont alors unis
avec des ONG de la diaspora libanaise au sein du WCCR (world council
for the cedars’ revolution). Pourquoi l’alliance avec des ONG de la
diaspora ? Tout simplement parce que la diaspora jouit d’une plus
grande liberté d’expression et d’action. La WCCR avait été créée en
janvier 2006 à Bruxelles où les objectifs de la coalition avaient
été fixés. Les objectifs qui avaient alors unis le PAD, les GOC,
l’AMU (American
Maronite Union), la WMU (World Maronite Union), la WLCU (World
Lebanese Cultural Union) et l’ALC (Lebanese American Coalition),
sont l’application des résolutions 1559 (et
1701 récemment) de l’ONU, qui de leur point de vue concrétisent
leurs buts communs.
Avant le retrait syrien, l’ALC avait
joué un rôle primordial dans l’adoption de la résolution 1559 par le
conseil de sécurité de l’ONU. Avec l’aide de leurs alliés de la
diaspora Libanaise partout dans le monde et surtout en Europe, ils
avaient effectué d’importants travaux en faveur de l’indépendance du
Liban vis-à-vis de la Syrie. Avant le 12 décembre 2003, ils avaient
focalisé leurs efforts sur la signature de la loi du Congrès « the
Syria accountability and Lebanese sovereignty restoration act ».
C’étaient des groupes et individus Libano-Américains qui avaient
chacun pour mission d’assurer la signature d’un ou plusieurs membres
du Congrès. Tout ceci fut couronné par le témoignage de Michel Aoun
en 2003 qui grâce au travail des organisations et individus de la
diaspora libanaise avait pu aussi prononcer un discours au Congrès
en 2003, suite auquel en cette même année la loi avait été votée.
Tout de suite après, les efforts se sont alors portés sur une
résolution de l’ONU assurant le retrait des forces syriennes du
territoire libanais, ainsi que le désarmement des milices, en
particulier le Hezbollah et les groupes palestiniens. Une délégation
de l’ALC avait alors visité au Congrès Yleem Plobete (director of
the house subcommittee on the Middle-East and Central Asia), aux
Nations Unis l’ambassadeur américain John Bolton et le conseiller
adjoint à la mission politique américaine à l’ONU, Peter Vrooman et
l’ambassadeur de l’Union Européenne à l’ONU, John Richardson et au
US department of defence, Peter Rodman, l’assistant du secrétaire de
défense des affaires sécuritaires internationales. Cette délégation
était formée de John Hajjar, Joseph Gebeily, Joe Baini, Tom Harb,
Fadi Bark, Walid Fares, Ghassan Kiami, Joanne Fakhre (les membres de
cette délégation s’étaient repartis les visites). Puis accompagnée
par M. Walid Maalouf, la délégation avait aussi rendue visite à des
responsables du Département d’Etat et au Conseil Sécuritaire
National des EU. En même temps des Libanais en Europe exposaient
l’idée d’une résolution à l’ONU assurant la souveraineté du Liban,
avec des responsables politiques de pays européens et de l’UE. En
collaboration avec ces organisations et individus libanais en
Europe, l’ALC avait aussi rédigé une lettre (signée par Joseph
Gebeili, John Hajjar, Tom Harb, Mel Zohrob, Joseph Hage et Tony Bou
Samra) s’adressant aux membres du sommet du G8 en juin 2004. Cette
lettre revendiquait le retrait des troupes syriennes du Liban et
expliquait aux présidents du sommet comment l’indépendance du Liban
est indispensable à une solution de paix à long terme au
Moyen-Orient. D’autre part, un Libano-Américain (dont le nom est
resté anonyme) avait aussi rédigé une lettre au président George
Bush où il argumentait les intérêts des EU à adopter une telle
résolution en faveur du Liban. De nombreuses pétitions avaient aussi
été rédigées par des Libanais à l’étranger afin de promouvoir la
« future » résolution. Enfin en Aout 2004, la draft resolution 1559,
rédigée par des membres de l’ALC avec l’aide de quelques experts en
loi internationale, avait été finalisée et circulée dans le Conseil
de Sécurité où le vote final s’est alors effectué.
Après le retrait syrien, ces mêmes
groupes et personnes (à l’exception d’une minorité) se rassemblent
au sein du WCCR. M. Etienne Sakr décrit l’importance du rôle que
joue la diaspora Libanaise et qui explique à son tour l’alliance des
GOC avec le WCCR : « Les Emigrants et
Libanais d'Outre-mer sont capables de défendre le Liban de toute
ingérence ou complot externe le visant. Avec leurs extraordinaires
et innombrables capacités, ils peuvent influencer et excessivement,
les Décisions des Grandes Puissances. » M. Roni Doumit, coordinateur
du WCCR en Europe explique que le WCCR travaille de la même façon
que l’ALC et vise donc à appliquer complètement la résolution 1559.
Il poursuit qu’il est temps de reprendre la révolution des cèdres au
Liban, parce que pour être efficace, le travail fourni par la
diaspora doit être soutenu par une volonté populaire : « Comme
durant la période allant du 14 février au 14 mars 2005 les
manifestations populaires pacifiques avaient rendu au Liban son
indépendance, aujourd’hui un autre soulèvement populaire est
nécessaire afin d’assurer une liberté d’expression et d’opinion au
Liban digne des pays les plus développés. Mais ceci est impossible
tant que des milices portent toujours des armes et empêchent la
véritable démocratie de prendre place au Liban. ».
C’est ainsi que la
diaspora Libanaise soutient activement les idées réprimées
puisqu’elle bénéficie d’une plus grande liberté d’opinion et
d’action. Enfin, interrogé sur la l’importance de la liberté pour le
Liban, M. Etienne Sakr conclut que : « Celui qui connait l'Histoire
du Liban, sait que cette montagne fut pour 7000 ans, une Forteresse
pour la Liberté et un Refuge pour tous les peuples opprimés. C'est
pourquoi il a été dit: Le Liban et la Liberté sont Jumelés, et pas
d'existence pour le Liban sans Liberté ».
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